Interview de M. Massoudou Hassoumi. ministre des Finances : “Notre souhait est que la BOAD poursuive davantage son engagement au Niger dans les domaines de la sécurité alimentaire, les infrastructures routières et l'énergie"

La Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD), institution financière créée par les pères fondateurs de l’UEMOA) a fêté, le 14 novembre 2014 son 45ème anniversaire, à Lomé (Togo) avec l’organisation d’un forum dédié à la réflexion sous le thème « l’Energie solaire dans l’économie des pays de l’UEMOA : état des lieux, enjeux et politiques ». Le Niger a été représenté à ce rendez-vous par le ministre des Finances, M. Massoudou Hassoumi, qui a bien voulu accorder une interview à notre reporter, lui-même invité au forum.

Monsieur le ministre, la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) a fêté ses 45 ans d’existence au service du développement des Etats membres de l’UEMOA, ce 14 novembre 2018. Comment vous appréciez le chemin parcouru par cette institution dont l’objectif est de promouvoir l’intégration sous-régionale des pays de l’Union à travers le financement des projets de développement ?

Effectivement, la BOAD vient de fêter son 45ême anniversaire. Elle est une des deux institutions créées par les pères fondateurs de l’UEMOA après la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) qui est d’ailleurs l’actionnaire principal de l’institution sous régionale dédiée au développement. La BOAD a été créée en 1973. En effet, de 1973 à aujourd’hui, on peut aisément le dire sans risque de se tromper que la banque a parcouru un long chemin à la satisfaction de l’ensemble des pays de l’Union. A la date de fin septembre 2018, les engagements de la BOAD s’élèvent à 5293,5 milliards de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine. C’est quand même énorme comme engagement au travers de 1138 opérations. Voilà le chemin parcouru. Ces chiffres expriment éloquemment que le pari a été tenu. C’est donc le lieu pour nous de rendre un hommage mérité aux pères fondateurs.

Etant un Etat membre de l’UE-MOA, notre pays a bénéficié ces dernières années du soutien de la Banque dans le cadre du financement de plusieurs projets de développement. Quels sont les projets structurants pour lesquels elle a considérablement aidé le Niger ?

Bien sûr !... Les engagements de la Banque Ouest Africaine de Développement au Niger s’élèvent à 530 milliards de FCFA et ils concernent 113 opérations, à fin septembre. Je voudrais à cet effet citer quelques engagements relatifs à des projets d’infrastructures routières. Sur les 530 milliards, nous avons 390,7 milliards FCFA essentiellement financés dans le domaine des infrastructures. Sans être exhaustif, on peut noter la route Bela-Gaya qui est la phase consolidation ; l’électrification rurale ; la construction de la centrale thermique de Gorou-banda ; le programme Kandadji ; l’échangeur Diori Hamani ; la route Ma-daoua-Bouza-Keita ; la route Filingué-Tahoua ; les voiries urbaines de Niamey ; la route Ma-radi-Madarounfa ; la route Niamey-Namaro ; la route Baga-roua-lllela plus un certain nombre d’infrastructures hôtelières. Il faut préciser qu’il y a aussi des projets d’investissement dans les industries, la finance, l’agriculture et la résilience comme par exemple le projet de renforcement de la résilience de l’agriculture face au changement climatique. Ce sont là des investissements concrets de la BOAD au Niger. Ces investissements sont visibles un peu partout dans notre pays. C’est d’ailleurs ce qui explique ma venue à l'anniversaire de cette grande institution qui finance le développement de nos pays.

Le thème sur lequel porte le forum du 45ème anniversaire de la BOAD, en l’occurrence « l’Energie solaire dans l’économie des pays de l’UEMOA : état des lieux, enjeux et politiques », constitue un défi de taille pour l’ensemble des Etats de l’espace et particulièrement pour le Niger. Quelles sont les actions en cours dans notre pays en matière de relèvement du taux de l’électrification surtout dans les zones rurales ?

D'abord, je voudrais rappeler que le Niger est un pays pionnier en matière d’énergie solaire. Nous avons créé l’Office National de l'Energie Solaire depuis très longtemps avec le Professeur Abdou Moumouni Dioffo qui est un précurseur en la matière aussi bien au Niger qu’en Afrique. Il a créé aussi un centre du même genre à Bamako. C’était quand même un pionnier et militant de l'énergie solaire. Donc, nous devons rendre hommage au Professeur Moumouni qui a eu raison trop tôt. En effet, il va de soi que les énergies renouvelables restent l’avenir de notre continent et même du monde dans un contexte mondial fortement marqué par la prise de conscience des enjeux climatiques. C’est dire que les énergies renouvelables dont l’énergie solaire sont toujours au cœur de la problématique de l’énergie dans nos pays et dans le monde. Au Niger, nous avons été pionniers par le passé. Et aujourd’hui, nous sommes résolument engagés. Il y a d’ailleurs deux grands projets de centrale hybride en cours, notamment la centrale hydrique solaire thermique d’Agadez qui va être en construction et une autre. Ces deux grands investissements importants sont aujourd’hui le départ d’un vaste programme d’électrification au solaire. Nous sommes engagés et nous sommes heureux de voir notre banque de développement s’engager dans le financement du solaire.

Les priorités du Niger sont énormes en matière de développement. Quelles sont les orientations de financement des projets de développement sur lesquels le Niger souhaite l’accompagnement de la BOAD ?

Bien sûr, les priorités du Niger sont immenses. Elles sont d’ailleurs clairement définies dans les huit axes du programme de renaissance du Niger. Au nombre de ces priorités, on peut citer la renaissance culturelle ; la stabilisation des institutions démocratiques et républicaines ; les infrastructures ; la sécurité alimentaire à travers l’initiative 3N ; l’éducation, la santé, l’accès à l’eau et à l’assainissement, la création d’emplois pour les jeunes. Évidemment, la Banque Ouest Africaine de Développement intervient dans tout ce qui concerne la sécurité alimentaire ; le développement rural ; les infrastructures ; la résilience au choc climatique. Nous voulons que la banque poursuive son œuvre de financement des projets de développement dans notre pays en particulier mais aussi dans les sept (7) autres pays de l’Union. C'est ainsi que depuis 2011, nous avons amené la Banque à investir dans deux secteurs extrêmement importants, à savoir l’Energie et les infrastructures routières. Les financements sont visibles au Niger. Il s’agit notamment de la centrale thermique de Gorou-banda ; le programme Kandadji ; les échangeurs à Niamey et les différentes routes que je viens de citer ci-dessus.

La Banque est engagée et nous avons fixé nos priorités dans les infrastructures. Notre souhait est que la BOAD poursuive davantage son engagement au Niger dans les trois domaines du développement rural, en l’occurrence la sécurité alimentaire, les infrastructures routières et de l’énergie. Dans ces trois secteurs, nous pensons que la banque est bien engagée au Niger. Nous sommes convaincus qu’avec l’évolution actuelle de la BOAD, sa capacité de mobilisation des ressources à l’extérieur avec sa notation « Baal » et « BBB » par deux agences internationales (Moody’s et Fitch) correspondant respectivement à la 4ème et 3ème meilleures notes accordées par ces agences à des entités africaines notées par elles. Cette capacité de lever des fonds de la BOAD permettra d’investir davantage dans nos pays et dans ces trois domaines prioritaires pour le Niger.

Source : Le Sahel (ONEP, Interview réalisée par Hassane Daouda, envoyé spécial)